Bruxelles, capitale artistique chic et pas chère

NRC Handelsblad Amsterdam 18 avril 2013

La capitale belge devient incontournable pour les galeristes d’art contemporain. Moins chère, moins saturée et dotée d’un dynamisme culturel sans égal, la ville connait un boom artistique. Pas sûr qu’il perdurera, selon certains.

Sabeth Snijders

MagritteBruxelles, c’est “presque” l’El Dorado des galeristes, estime le Français Sébastien Ricou né en1984, le plus jeune galeriste de la ville où il a récemment élu domicile. Il rayonne. Il y a quelques années, alors qu’il était en stage dans la galerie d’Almine Rech, il a pu constater à quel point l’idée de la galeriste de déménager de Paris vers la capitale belge était judicieuse. “A Paris, j’aurais eu deux fois moins d’espace pour le même prix”, dit-il.

Sébastien Ricou n’est pas seul. Ces dernières années, les galeries d’art contemporain poussent comme des champignons à Bruxelles. A cela s’ajoutent un nouveau directeur créatif à la tête d’Art Brussels, la foire d’art contemporain qui a lieu cette semaine [du 18 au 21 avril], en marge de laquelle sont organisés quelques salons d’art plus petits et le festival de performances de Wiels, centre d’art contemporain. Des médias comme le New York Times parlent d’une “renaissance créative” à Bruxelles.

Une programmation plus expérimentale

En 2006, la galeriste Almine Rech, mariée au petit-fils de Picasso, a déménagé en Belgique. Deux ans plus tard, Nathalie Obadia a suivi. Un pied-à-terre bruxellois offre, selon Constance Dumas, directrice de la galerie de Nathalie Obadia, la possibilité d’une programmation plus expérimentale : “En France, on peut difficilement rentabiliser une galerie en exposant des artistes dont les œuvres n’atteignent pas encore des prix élevés”, explique-t-elle.

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A la même époque, la new-yorkaise Barbara Gladstone a installé son siège européen dans la capitale belge. Montrant en passant un Sol LeWitt dans le jardin, Maxime De La Brousse, de la Gladstone Gallery, explique : “Barbara n’a pas ouvert un établissement sur un coup de tête. Des artistes comme Anish Kapoor étaient déjà largement représentés à Londres et à Paris, le marché était saturé.”

Avec l’arrivée de quelques galeries de renom, ainsi que l’ouverture de Wiels, le centre d’art contemporain, en 2008, d’innombrables galeristes considèrent Bruxelles comme un lieu incontournable. Selon le public ciblé, ils s’installent près de l’avenue Louise, les Champs-Elysées de Bruxelles avec ses grandes maisons de couture et sa circulation dense, ou près de la rue Antoine Dansaert dans le quartier des boutiques et des bureaux de designers et d’architectes branchés.

La “culture de collectionneurs”

Le plus frappant est le grand nombre de Français, notamment Vidal Cuglietta, en plus d’Obadia et de Rech. Le faible taux de l’impôt sur la fortune en Belgique incite souvent les Français nantis, dont Almine Rech, à aller vivre de l’autre côté de la frontière. Tout comme les autres galeristes, elle vante la “culture de collectionneurs” en Belgique. De surcroît, les collectionneurs belges seraient fidèles à certains artistes et ne se laisseraient pas influencer par les lubies du jour.

Les premiers Néerlandais qui ont renoncé à leur galerie à Amsterdam en faveur du quartier de Dansaert sont Chris Bestebreurtje et Petra Kuipers de la Motive Gallery. Selon Chris Bestebreurtje, Bruxelles présente un intérêt sur deux plans : le marché belge est intéressant et la ville est mieux située pour les collectionneurs internationaux. Surtout depuis l’arrivée des lignes de train à grande vitesse qui permettent de rejoindre, en deux heures environ, Londres, Cologne ou Amsterdam.

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“Nous avons remarqué que nous ne recevions pas assez de visiteurs internationaux à Amsterdam”, dit-il. “La fermeture du Stedelijk Museum, du Rijksmuseum et de l’Appel n’ont pas aidé à attirer les conservateurs et les collectionneurs étrangers aux Pays-Bas”. Et il ajoute : “Bruxelles est un endroit où, contrairement à ce qui se passe à Berlin, une galerie étrangère peut encore facilement se faire une place.”

Chaos administratif

La ville de Bruxelles a-t-elle cependant suffisamment à offrir pour ne pas être une simple halte aux yeux des collectionneurs et pour réussir à ériger une plateforme des beaux-arts florissante qui ne soit pas commerciale ? “Les initiatives intéressantes ne manquent pas ici, mais il serait urgent de simplifier les démarches administratives”, fait remarquer Dirk Snauwaert, directeur artistique de Wiels.

Il doute que des personnes comme Chris Bestebreurtje réagissent positivement, face au chaos administratif de la capitale belge. Le galeriste néerlandais se dit par exemple convaincu de pouvoir obtenir des autorisations plus facilement qu’aux Pays-Bas, ce qui est favorable aux initiatives créatives. Par ailleurs, Dirk Snauwaert constate que les jeunes artistes sont plus nombreux à s’installer à Bruxelles, mais selon lui, même si la ville est meilleur marché que Londres ou Paris, elle reste (trop) chère pour quiconque entend y faire ses premiers pas dans le monde artistique.

C’est aussi la raison pour laquelle la Bruxelloise Sonia Dermience, du collectif de commissaires d’expositions à but non lucratif Komplot, s’interroge sur le devenir de toutes les galeries qui ont récemment ouvert. “Berlin est nettement moins chère, les gens qui s’installent ici viennent souvent avec une importante mise de fonds et parlent beaucoup du “formidable collectionneur belge”, mais ils expriment surtout un souhait. On peut se demander s’ils existeront encore dans cinq ans.”

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Traduction : Isabelle Rosselin

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